Au cours des derniers jours, nous avons vu défiler dans nos fils d’actualité un nombre impressionnant de #MoiAussi, #MeToo, #BalanceTonPorc. Dans un ultime espoir de conscientisation face au fléau des abus sexuels, des agressions et du harcèlement, nous sommes sorties du silence, en fait, une parcelle d’entre nous est sortie du mutisme avec hésitation, avec honte parfois, mais toujours avec indignation.
J’ai hésité moi-même quelques heures avant d’oser écrire #MoiAussi #MeToo comme statut. Il a fallu que j’en vois pas mal le faire avant moi. Il a fallu que je lise en commentaire que plusieurs avaient hésité par honte. C’est exactement ce qui me retenais de le faire. La honte. Même pas ce que les autres penseraient de moi. La honte que j’éprouve envers moi-même.
La honte que j’ai de ne pas avoir hurlé. La honte que j’ai de ne pas avoir dénoncé. La honte que j’ai d’avoir gardé silence.
Puis je me suis souvenue la petite moi que j’ai été, celle à qui on demandait de ne pas dire certaines choses en public, celle qu’on traitait de tête de cochon dans le but de dévaloriser mon grain d’insoumise, celle qu’on traitait de patte gauche parce que je n’avais pas adopté la main pure pour écrire, celle à qui on a coupé de force les cheveux pour cacher le grand front que j’ai. C’est mal il semblerait d’avoir du front et que ça paraisse.
Je me suis souvenue à quel point je me sentais mal dans les cadres imposés, à quel point mon mal-être n’avait pas d’oreilles pour l’entendre. Je me souviens avoir été réprimée dans mes élans de parler de mes réussites pour ne pas faire d’ombre à ceux qui ne réussissaient pas autant que moi au niveau académique, je me suis souvenue avoir dû rester faire la vaisselle après souper parce ce que j’étais une fille alors que le garçon de la famille pouvait, lui, parce qu’il était garçon, aller jouer dehors sans devoir faire quoi que ce soit, pour qui que ce soit.
Petit à petit, on a dressé devant moi la table du #MoiAussi.
On a invalidé ma petite voix, on a sollicité mon silence, on m’a fait comprendre que j’avais moins de valeur au féminin, que ce dont j’avais l’air était plus important que qui j’étais, que la désinvolture chez une fille, c’est pas beau.
On a évolué un peu à ce niveau, mais pas tant.
Est-ce qu’on envoi encore de force nos enfants dans des cadres limitants malgré qu’il démontrent des signes évidents d’anxiété, de mal-être?
Est-ce qu’au nom des systèmes de récompenses on ne demande pas à nos enfants de faire abstraction de leur élan naturel à faire ce qu’ils ont envie de faire?
Est-ce qu’on sous-estime les colères de nos enfants en tentant de les faire taire plutôt que de les libérer?
Est-ce qu’on attend de nos enfants qu’ils se soumettent à l’autorité, même si c’est strictement pour la forme et que cela n’aide personne?
Est-ce qu’on tolère encore l’objetisation des individus dans les publicités, les films, les téléromans, les dessins animés, au nom du profit ou de l’humour?
On me dira que c’est toujours comme ça que ça a fonctionné à l’école et dans la société.
Je dirai qu’il y a toujours eu des abus.
Nous dressons toujours la table aux futurs #MoiAussi, dès les racines de l’enfance.
Il nous sera difficile de ré-éduquer les abuseurs et harceleurs pour qui dévaloriser l’autre, parfois femme, homme ou enfant, est devenu un mode de vie.
Il nous sera beaucoup plus facile d’éduquer nos enfants à ne pas se soumettre,
à écouter leurs ressentis,
à dénoncer toutes formes d’abus,
à respecter les refus sans insistance,
à avoir un regard critique envers l’images des corps déconnectés de l’essentiel qu’on nous propose ad nauseam,
et à être qui ils veulent être.
Dès maintenant, ne laissons plus passer les remarques dégradantes, les abus, les violences.
Écoutons et respectons nos ressentis et ceux de nos enfants.
Trouvons des solutions pour changer nos environnements toxiques.
Soyons des modèles authentiques et assumés.
Cessons de croire qu’on ne peut rien y changer.
Ensemble on peut faire en sorte que nos n’enfants n’aient jamais à dire un jour #MoiAussi.
Soyons fières d’être devenues celles qui osent maintenant dresser la voie vers un espace collectif égalitaire et respectueux.
Plus jamais #MoiAussi, la nouvelle norme.
C’est possible.
Cliquer ici pour tout lire notre Dossier spécial #MoiAussi.
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